Apprendre à mieux gérer sa colère
Qu’elle soit explosive ou contenue, la rage est néfaste pour notre organisme. La neurobiologiste Catherine Belzung met en évidence l’intérêt de régler nos différends sans nous emporter. Elle nous explique comment mieux gérer notre colère pour éviter ses effets délétères sur notre santé.
Quel est le circuit neurologique de la colère ?
Catherine Belzung : Elle met en jeu l’amygdale, une structure qui se compose de deux noyaux en forme d’amande situés dans le lobe temporal. L’amygdale intervient dans nos émotions primitives et nos réactions de survie. Lorsqu’une situation est perçue comme injuste ou frustrante, l’amygdale lui donne une dimension émotionnelle (la colère), active le noyau gris périaqueducal (qui déclenche un comportement agressif : cris, gestes) et l’hypothalamus (responsable de manifestations physiologiques associées : afflux sanguin, accélération cardiaque, dilatation des pupilles). L’information peut aussi être traitée par le néocortex (aire liée à la pensée consciente), avant d’arriver à l’amygdale. Cette voie (dite lente) donne la possibilité de calmer l’émotion avant de déclencher des comportements agressifs.
Pourquoi certains perdent-ils facilement leur sang-froid ?
Catherine Belzung : Il existe des tempéraments plus ou moins susceptibles, plus ou moins aptes à la régulation émotionnelle. Les hypersensibles, les hyper-réactifs ont des difficultés à la mettre en place. Chez eux, l’amygdale s’emballe beaucoup plus facilement : elle a pu être altérée par des facteurs génétiques, environnementaux, familiaux. Des études ont par exemple démontré que la maltraitance infantile détraque l’activation de l’amygdale. Mais le fait de perdre ou garder son sang-froid est aussi une question d’éducation : nous savons, par exemple, que les Asiatiques se mettent rarement en colère, comportement qu’ils considèrent particulièrement inapproprié. Ils ont été élevés en ce sens.
Pouvons-nous tempérer notre colère ?
Catherine Belzung : Il existe deux possibilités. La contenir : la réaction est censurée, mais l’émotion demeure et le système nerveux sympathique continue à s’emballer (pression artérielle, rythme cardiaque élevé, tension musculaire) avec un effet de Cocotte Minute plus dommageable encore pour la santé. Ou apprendre à traiter autrement l’émotion, à la calmer grâce à ce qu’on appelle la réévaluation cognitive : il s’agit de revenir à la réalité (l’autre s’est montré malveillant, mais peut-être sans le vouloir ou sans se rendre compte qu’il nous a énervé) de sorte que la colère paraisse moins justifiée ou nécessaire.
Des techniques peuvent-elles nous y aider ?
Catherine Belzung : La plus connue est la méditation de pleine conscience. Celle-ci développe notre aptitude naturelle à rester calme en augmentant le volume des zones frontales et du néocortex, qui sont la clé de voûte de la réévaluation cognitive. Le cortex préfrontal contrôle l’amygdale, la freine par des projections qui peuvent nettement atténuer la colère quand elle ne se justifie pas. Nous évitons ainsi les effets nocifs de la rage contenue. Les neurosciences sont en train de nous prouver que, en matière cérébrale aussi, il est toujours possible de s’améliorer.
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